2CV type A :
La Deuche Originelle
1948. En ces temps de reconstruction, c’est avec une voiture destinée au milieu rural que Citroën va reconquérir le marché français et européen. Retour sur la genèse et les premiers tours de roues d’une légende de l’automobile : la 2CV !
Retour en 1935. Edouard Michelin, qui vient d’acquérir quelques mois plus tôt (en 1934) Citroën, nomme Pierre-Jules Boulanger vice-président de la marque au chevrons et chef du bureau d’études de la célèbre firme automobile. Bourreau de travail, rigoureux, Pierre-Jules Boulanger est aussi l’homme de confiance d’Edouard Michelin (les deux hommes se sont rencontrés lors de leur service militaire), ce dernier l’ayant chargé de redresser Citroën et d’aider son fils, Pierre Michelin, dans son rôle de jeune président de la firme. Avec Citroën, Michelin compte bien mettre en chantier et développer différents projets et concepts automobiles. Plusieurs d’entre eux sont d’ailleurs axés sur la motorisation des campagnes. C’est dans ce but que Pierre-Jules Boulanger convoque un jour de 1935 son chef du personnel et lui dit : « Faites étudier par vos services une voiture pouvant transporter deux cultivateurs en sabots, cinquante kilos de pommes de terre ou un tonnelet à une vitesse maximale de 60 km/h pour une consommation de trois litres aux cent…ce véhicule doit pouvoir passer dans les plus mauvais chemins et doit être suffisamment léger pour être manié par une conductrice débutante. Son confort doit être irréprochable, au point de pouvoir transporter un panier d’oeufs tout en roulant dans un champ, et ce sans en casser un. Son prix devra être inférieur à celui de notre traction avant. Enfin, je vous précise que son esthétique m’importe peu !» Déjà le côté populaire, rural, utilitaire, économique et confortable fait partie du livret de famille de ce qui deviendra la future 2 CV.
Nom de code : TPV
Les premières études de cette « automobile rurale » portent d’abord, comme pour la Traction, sur une voiture à structure monocoque, aux lignes rondes et fluides, rappelant aussi sous certains aspects, des courbes de la célèbre berline. Toutefois, son style affirme déjà ce que sera celui de la 2CV. Le sytème de suspension, à ressort à lames, est central et incorporé dans le longeron de caisse (le ressort joue à la fois sur le train avant et arrière). Le premier choix de motorisation, porte sur le flat twin culbuté d’une moto Gnome et Rhône. Plusieurs maquettes seront alors réalisées, dont au moins une, grandeur nature et même, selon plusieurs sources, deux prototypes. Plusieurs éléments ne plaisent guère à Pierre-Jules Boulanger qui demande le remplacement de la caisse monocoque par un modèle à plate-forme, faisant office de châssis. Il demande également l’étude d’ une motorisation maison.
1937 marque un nouveau tournant dans l’histoire de Michelin et de Citroën. Cette année voit le décès de Pierre Michelin dans un accident de la route. Boulanger devient alors le grand patron de la marque au double chevrons. Il lance la production de quarante neuf prototypes qui ont pour nom de code TPV, initiales de « Très Petite Voiture ». Ces véhicules sont élaborés en vue d’une présentation du modèle au salon de l’auto de Paris, en 1939. Les premières TPV sont réalisées en Duralumin, un alliage d’aluminium, manganèse et magnésium, qui résiste particulièrement à la corrosion et qui permet d’alléger au maximum le poids du véhicule. La face des ailes et le tablier avant de forme ondulée, ce système d’emboutis permettant de renforcer ces pièces. Toujours dans un soucis d’allègement mais aussi de commodité, la TPV est désormais munie d’une capote en toile en guise de toit. L’intérieur a été simplifié au maximum. Le volant est en tube cintré. Le levier de vitesses, droit, intègre la planche de bord. A côté de lui se trouve une platine rassemblant seulement un cadran d’ampèremètre (permettant de surveiller la charge de la batterie) et une tirette de starter. Les banquettes avant et arrière sont en toile renforcée (toile de bâche), sur l’assise desquels est posé un large coussin amovible, rembourré de crin. Leurs dossiers sont, quant à eux, suspendus par un système d’élingues à chaque extrémité.
Vers la voiture populaire
Les portières en demie lune, sont facilement démontables pour faciliter le chargement du véhicule. A l’avant, la TPV ne dispose que d’un seul phare, qui selon les prototypes, sera d’abord fixé devant le radiateur ou à l’avant du tablier (à la base du pare-brise) avant de trouver sa véritable place à l’avant gauche du capot ou sur l’aile, (comme l’autorise le code de la route en vigueur à l’époque, sur les véhicules référencés « Quadricycle à moteur », la futur 2CV entrant dans cette catégorie en raison de sa motorisation) sur les prototypes suivants. Côté motorisation, le choix porte désormais sur un bicylindres à plat de 375 cm3, refroidi par eau, couplé à une boite de vitesses à trois rapports avant et une marche arrière. Si la cible première de la TPV est le monde agricole, cette dernière va rapidement s’élargir à celui des artisans et des petits commerçants, tant en milieu rural qu’en ville, mais également aux cadres, aux fonctionnaires et à certains ouvriers. En effet, les nouvelles lois et avancées sociales depuis la fin de la crise de 1936, associées à une baisse et à des aménagements du temps de travail, aux congés payés et à des hausses de salaires, sont autant de facteurs importants dans le développement d’une automobile plus populaire. La TPV entre parfaitement dans ce cadre. Dans une note datée de janvier 1938, destiné au bureau d’étude, Pierre-Jules Boulanger insiste d’ailleurs sur le fait que la TPV doit « …pouvoir être achetée par un ouvrier, donc ne pas couter cher ». « Le Patron » insiste aussi dans cette même note, sur le fait que la petite voiture doit être la plus économique possible, au point de pouvoir rouler 50 000 km sans q’une pièce mécanique ne soit remplacée. Elle doit, aussi, pouvoir être entretenue aisément par son propriétaire.